L’ABC des BCAA

L’ABC des BCAA

Avec le bitume enfin sec et le soleil qui se couche de plus en plus tard, l’excitation est à son comble et on rêve tous de partir plus tôt du bureau pour se dépenser sur notre monture à deux roues. On se fixe des objectifs de mise en forme pour l’été, et on se surprend même à vouloir donner notre maximum pour copier la vie des cyclistes professionnels…

Toutes les solutions semblent être envisagées pour atteindre ces objectifs de performance. Tendant l’oreille aux nouvelles tendances ou à celles qui s’accrochent, on constate que les suppléments de BCAA se dégagent du lot en faisant miroiter des performances de champion. 

C’est quoi, ça, les BCAA?

Les BCAA (pour branched-chain-amino-acids) désignent un amalgame de trois acides aminés essentiels que le corps ne peut pas synthétiser lui-même : la leucine, l’isoleucine et la valine. (Petite parenthèse pour ceux qui en perdent leur latin : les acides aminés sont les éléments qui composent les protéines, qui servent entre autres à construire nos fibres musculaires.) Sur les neuf acides aminés essentiels, ces trois-là ne peuvent qu’être absorbés par l’alimentation, que ce soit sous forme de suppléments ou d’aliments. 

Ces trois composés ramifiés (branched) sont devenus populaires pour leur potentiel ergogénique à l’effort, c’est-à-dire leur capacité à améliorer le travail musculaire. Surtout consommés par les athlètes s’entraînant en force musculaire (au gym, par exemple), les BCAA gagnent maintenant du terrain chez les athlètes d’endurance, qui y voient une façon potentielle d’améliorer leurs performances, d’utiliser plus d’acides gras à l’effort et de réduire la fatigue. Réels effets ou effet placebo? 

   

Moins de fatigue?

S’il y a un objectif universel chez les athlètes en endurance, c’est bien celui d’aller plus vite en utilisant le moins d’énergie possible. Devenir une meilleure version de soi-même, observer graduellement l’effet de l’entraînement assidu sur notre coup de pédales... Mais constater une nette amélioration est souvent long, et nécessite un entraînement rigoureux, une bonne hygiène de vie et, surtout, une constance de moine. Ce n’est donc pas étonnant qu’on ait envie de se laisser tenter par des produits qui pourraient imiter ces efforts au quotidien et nous «donner» quelques watts pour les mêmes gouttes de sueur produites…

Une croyance veut que les BCAA puissent notamment réduire l’apparition de la fatigue musculaire en bloquant l’utilisation accrue du tryptophane au niveau du cerveau, ce qui diminuerait la production de sérotonine, la responsable de la fatigue ressentie (voir Figure 1). 

Toutefois, il semblerait que les effets réels observés demeurent relativement mitigés. Dans une étude randomisée à double insu réalisée chez des athlètes en endurance, il est démontré que bien qu’une supplémentation de BCAA réduise considérablement l’utilisation du tryptophane à l’effort (8-12 %), aucun effet n’est observé dans la réduction de l’apparition de la fatigue.

Une autre étude s’est intéressée à la supplémentation de BCAA dans une épreuve de marathon. Les conclusions? Les coureurs «lents» (> 3h05) ont vu une légère amélioration de leur performance en plus de ressentir moins de fatigue mentale lorsque le supplément était consommé durant la course. Cependant, aucune différence n’a été observée chez les coureurs «rapides».

Ainsi, la performance pourrait être légèrement améliorée dans des épreuves de longue haleine et pour des athlètes moins expérimentés. Par contre, il faut noter que les études sur le sujet manquent légèrement de puissance statistique pour être généralisées à l’ensemble des athlètes, et que les effets potentiels pourraient varier considérablement selon les profils athlétique et génétique de chacun. En outre, la dose choisie demeure importante, de même que le moment opportun pour la prendre.

Gestion d’énergie

Autre sujet chaud chez les athlètes : devenir plus efficace dans l’utilisation de l’énergie à l’effort. Comment être en mesure d’économiser notre glycogène, et même de remplacer le glucose par d’autres substrats énergétiques, comme les lipides? Il semblerait que les BCAA puissent avoir un léger effet sur ce plan.

Récemment, une étude en chassé-croisé s’est intéressée à ce phénomène chez sept athlètes élites. Les athlètes du groupe d’intervention consommaient un supplément de 300 mg de BCAA pendant trois jours consécutifs. Au jour 2 de l’expérience, ils ont été soumis à un exercice aérobique menant à une quasi-déplétion de leurs réserves en glucose, puis ont répété l’expérience au jour 3. Différents paramètres biochimiques ont été mesurés, comme le lactate, les cétones et le glucose plasmatique. Les résultats démontrent que ceux recevant un supplément de BCAA utilisaient moins d’oxygène dans le test de fatigue et terminaient avec un taux plasmatique de glucose plus élevé que les athlètes sans supplément. Ils utilisaient aussi mieux les lipides à l’effort et étaient sensiblement moins fatigués après l’effort. Encore une fois, ces résultats demeurent mitigés quant à leur portée sur l’ensemble de la population.

Pertinent dans certains cas

Lors d’efforts prolongés, les BCAA peuvent donc aider à réduire la fatigue musculaire en plus de devenir une source d’énergie de remplacement au glycogène musculaire. En agissant sur l’utilisation du tryptophane au cerveau, ils pourraient aussi avoir un potentiel effet sur la réduction de la fatigue neuromusculaire et ainsi améliorer la performance globale.

Il ne semble cependant pas essentiel de s’en procurer à tout prix, considérant leurs effets mitigés à l’effort. Tout dépendant du contexte et de vos objectifs sportifs, ce supplément pourrait être soit pertinent, soit une dépense inutile. Pour ceux qui désirent tout de même essayer les suppléments de BCAA, je vous suggère de faire des tests de préférence et de tenter d’observer si, avec la posologie indiquée, vous notez des effets réels sur votre performance. Surtout efficaces lors d’efforts en aérobie de longue durée, ils peuvent être consommés à raison d’environ 5 g immédiatement avant l’effort, puis de la même quantité toutes les heures, en combinaison avec des glucides.

À noter que différents aliments fournissent aussi de bonnes doses de BCAA (voir tableau 1), et que pour les athlètes plus récréatifs, un bon apport en protéines variées permet d’avoir des quantités suffisantes de BCAA. D’autres stratégies permettent aussi de réduire votre fatigue à l’effort et d’améliorer votre efficacité, comme prendre au moins 30 g de glucides à l’heure pendant l’effort, bien récupérer après une activité intense et maintenir un rythme constant à l’entraînement.

Finalement, n’oubliez pas que c’est encore et toujours la vitamine P (plaisir) qui vous aidera à garder le rythme, même les jours où les jambes ne suivent pas...

Figure 1

Tableau 1: Aliments riches en BCAA

velo cartel tableau donnant des exemples de produits céréaliers et laitiers ainsi que protéines animales et protéines végétales

 

Références

1. Meeusen, R., et al., «Central fatigue: the serotonin hypothesis and beyond», Sports Med, 2006. vol. 36, no 10, p. 881-909.

2. Van Hall, G., et al., «Ingestion of branched‐chain amino acids and tryptophan during sustained exercise in man: failure to affect performance», The Journal of Physiology, 1995, vol. 486, no 3, p. 789-794.

3. Blomstrand, E., et al., «Influence of ingesting a solution of branched‐chain amino acids on perceived exertion during exercise», Acta Physiologica, 1997, vol. 159, no 1, p. 41-49.

4. Gualano, A., et al., «Branched-chain amino acids supplementation enhances exercise capacity and lipid oxidation during endurance exercise after muscle glycogen depletion», The Journal of Sports Medicine and Physical Fitness, 2011, vol. 51, no 1, p. 82-87.

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